La plage Urla

La plage Urla attire de nombreux voyageurs et particulièrement les artistes. En effet, ses grains de sable chaud et son eau turquoise qui laisse entrevoir vos orteils lorsque vous vous y baignez a tendance à vous faire rêver. La plage se trouve à l'autre bout de la berge, bien loin du port et de tous ses bruits gênants...

J'étais assise sur le sable fin de la plage depuis maintenant presque trois quart d'heure. Je ne me lassais guère de ce paysage apaisant, regarder le va et vient des vagues s'écrasant sur la bute. Je souris. Enfin j'avais trouvé le calme dont j'avais besoin. Et cette paix m'aiderait certainement à oublier les déboires dont j'avais été victime ces dernières années. Une larme coula sur ma joue, larme que j'essuyais rapidement. Ce n'était pas le désespoir, au contraire. C'était cette lueur d'espoir dans le lointain qui me redonnait courage au point d'en verser des larmes.

Le vent s'engouffra dans mes cheveux, les faisant voleter autour de mon visage. Je fermais les yeux. Cela faisait presque un mois que j'étais à Elsweyr, à présent. Je n'avais pas eu que des moments faciles, certes, mais maintenant, cela allait bien mieux. J'avais un toit sur la tête grâce à l'auberge, où je louais une chambre, et j'aidais les marchands dans leur nombreuses tâches au quotidien, ce qui me permettait de manger et de rester propre... Et surtout de dormir. Toute l’atrocité de mon passé était derrière moi, enfin... Je pouvais vivre et savourer cette liberté retrouvée. Certains diraient sans doute que j'étais trop jeune pour dire ce genre de chose. Mais, les ressentis, cela ne se change pas.

Je me laissais tomber dans le sable, allongée et soupirais. Aujourd'hui, le marchands pour lequel je travaillais en ce moment m'avait donné congé, tout en me laissant une pièce. Je savais que le lendemain il aurait besoin de moi, alors je ne m'en faisais pas. J'étais venue sur la plage pour admirer, et je ne faisais pas que cela. je me sentais vivre. Je souris, les yeux clos, le vent caressant mon visage, rabattant mes cheveux sur cette horrible cicatrice qui me défigurait. Mais je ne préférai pas y penser... C'était derrière moi à présent, et il fallait que je regarde vers l'avant... Coute que coute.

Le vent fouettait mon visage. Lorsqu'enfin je la vis, un étrange rictus accroché aux lèvres à la place d'un sourire, je poussais un grognement. Il ne m'avait fallu guère de temps pour atteindre la plage sous ma forme originelle. Je n'avais pas remarqué la présence de quelqu'un d'autre, aussi, je planais et passais juste au dessus d'une silhouette inconnue pour reprendre forme humaine juste au dessus de l'eau. Encore entièrement vêtue, je me laissais tomber et crever la surface pour ensuite m'enfoncer sous l'eau. L'eau n'était pas très froide, mais pas trop chaude non plus. Après plusieurs secondes à glisser dans le fond, je fis quelques brasses afin de remonter à la surface. Une fois la tête hors de l'eau,je grimaçais.

_Hey, mais! Mais c'est salé!

Et oui, je n'avais encore jamais goûté aux joies de la plage. Aussi, je ne savais pas que l'eau de la mer était salé, je ne savais pas que la mer était habité par des animaux marins, et je ne savais pas non plus que c'était en caleçon de bain qu'il fallait se baigner. Pour moi, c'était un moyen de se laver comme un autre, aussi... je me retournais, prêt à regagner le sable chaud pour me déshabiller, lorsque je vis que je n'étais pas seul. Les bras en l'air, les yeux grand ouvert et clignant des paupières, je restais immobile et silencieux un long moment tout en observant la fille qui se trouvait devant moi. Toujours sans rien dire, je tournais la tête, à droite puis à gauche, puis la regardais de nouveau. Je courrais alors vers elle, trempé de la tête aux pieds, et m'accroupissais face à elle. Regardant sur ma droite d'un air suspicieux et une drôle d'expression sur le visage, je lui fis un signe de la main, lui demandant de s'approcher et d'écouter.

_Dis moi... Ça fait longtemps que t'es là? Et t'es toute seule ou quelqu'un risque de débarquer à n'importe quel moment?

J'étais tellement perdue dans mes pensées que je sursautai lorsqu'un bruit retentit près de moi. Ou pour dire vrai, au dessus de moi. J'ouvrais les yeux et dut retenir un petit cri de surprise en voyant une sorte de monstre gigantesque se diriger vers la mère... Mais le cri m'échappa brutalement lorsque cette créature se métamorphosa subitement et plongea dans l'eau froide et salée. Je me levais, inquiète... Qu'est-ce que cela pouvait bien être, au juste ? J'étais à la fois inquiète pour cette.... Chose qui venait de chuter, et paniquée à l'idée qu'elle puisse m'attaquer. Et si elle revenait ? Si elle essayait de.... Non ! Je ne devais plus penser à cela.

Lorsque je la, ou plutôt le, vis remonter à la surface, je m'aperçus avec surprise que c'était un garçon. Je me laissai retomber sur le sol, trop étonnée pour rester debout. Comment une bête aussi énorme pouvait-elle se transformer en humain ? J'avais envie de fuir, j'étais réellement angoissée par ce qu'il se passait devant mes yeux. Mais j'étais fascinée également, et ma curiosité l'emportait sur la peur, c'est pourquoi je restais. Nous nous fixâmes quelques secondes avant qu'il ne se précipite vers moi. J'eus un mouvement de recul, mais je n'eus le temps de rien faire, il était déjà près de moi, accroupi, avec un drôle d'air. Je devais avoir l'air terrorisée. Jamais on ne m'avait approché de la sorte, et pour tout dire, il me faisait peur... Très peur. Lorsqu'il m'adressa la parole, je baissais la tête, mes cheveux cachant toujours la partie défigurée de mon visage.

"Je... Je... Je suis là depuis un moment mais... Je n'attends personne..."

Allait-il me tuer après cela ? Je n'en savais rien, mais j'étais toujours aussi terrifiée. Une larme s'échappa malgré moi de mes yeux. Il m'effrayait littéralement, je ne savais pas qui il était, ni même ce qu'il me voulait. Et cette angoisse m'empêchait de fuir, elle me clouait sur place. Je priais les dieux pour qu'il ne me fasse pas de mal... Je ne voulais pas mourir, pas maintenant, pas après avoir retrouvé cette liberté que j'avais ei tant de mal à gagner.

Trop concentré que j'étais à surveiller les environs, je ne remarquais pas la mine effrayé de l'inconnue. Cependant, lorsque je l'entendis parler, je soupçonnais une once de peur dans sa voix. Aussi, je me retournais vers elle et écarquillais les yeux en voyant glisser une goutte d'eau salée sur sa joue. Surpris, je reculais brusquement et, n'ayant pas fait attention, je tombais assis sur le sol de sable chaud. Paniqué je l'étais. Elle pleurait et je ne savais pas pourquoi. Pourtant je ne lui avais fait aucun mal... Je ne savais pas quoi faire ni comment réagir. D'après mes souvenirs, je n'avais jamais eu à faire face à ce genre de situation. Les filles de mon ancien village ne se mettaient pas à pleurer en me voyant, au contraire, elles rigolaient! Alors maintenant qu'une fille pleurait, et à cause de moi, j'en étais presque sûr, je ne savais pas ce que je devais faire. Puis un souvenir me revint en mémoire. Mon père en train de consoler une femme du village qui avait perdu son mari. Sans plus réfléchir que ça, je me redressais rapidement et m'approchais encore plus d'elle pour la prendre dans mes bras. Je lui caressais alors les cheveux, silencieux mais tentant d'être réconfortant sans pour autant en connaitre la raison.

_Écoutes, je sais pas trop pourquoi tu pleures mais euh... j'veux bien te réconforter.

L'hybride que j'étais ne comprenait pas tout. Néanmoins, ce que je savais, c'était que lorsqu'une personne était en détresse, en souffrance, il ne fallait pas l'ignorer. Réfléchissant à vive allure à propos de la raison qui aurait pu la pousser à pleurer, ses paroles me revinrent brutalement en mémoire. Elle avait dit qu'elle n'attendait personne, peut être n'avait-elle pas d'amis? Oui, c'était sûrement cela! Je m'éloignais alors légèrement, mais restais agenouillé face à elle.

_Tu es toute seule c'est ça? Tu n'as aucun amis et ça te fait souffrir?

Sans attendre une quelconque réponse, je lui tendis la main, un large sourire accroché aux lèvres.

_Moi j'veux bien être ton ami! Qu'est ce que tu en dis?

Soudain, sans même que je lui demande quoi que ce soit, il se redressa et me prit dans ses bras. J'ouvrais d'abord de grands yeux, étonnée par cette marque affectueuse venant de celui dont je pensais qu'il me tuerait. D'abord tendue tout contre lui, ne sachant que faire, je me détendit peu à peu, séchant mes larmes qui avaient cessé de couler, m'appuyant légèrement contre son torse, me soutenant ainsi. Le vent fouetta de nouveau mon visage, le découvrant totalement. Je rabattis de nouveau mes cheveux... Je ne voulais pas qu'il me voit. Pas comme ça.

Je levais néanmoins les yeux vers lui. Il ne devait pas franchement être plus vieux que moi. Mais comment avait-il deviné que je n'avais pas d'amis réels dans cette ville, et même ailleurs. C'était assez perturbant. Je haussais les épaules. Autant ne pas lui dire qu'il m'avait fait peur, je ne voulais pas le faire fuir dès la première fois où je lui parlais, et puis, il avait l'air gentil mine de rien. Je souris. C'était la première fois que quelqu'un me prenait ainsi dans ses bras. Aussi loin que mes souvenirs remontaient, jamais personne ne m'avait enlacée... Et cela faisait du bien, bizarrement. Ce geste, qui avait l'air pourtant si simple fit revenir le calme en moi, et effaça définitivement la peur. Je déglutis.

"Je... Je ne connais personne ici, sauf les marchands. C'est pour ça que je suis seule."

Mon élocution était plus douce, moins bégayante. Mais là, c'était ma timidité. Je savais que je devais ressembler à une pivoine, rouge tellement j'étais de nature réservée. Lorsqu'il me proposa de devenir mon ami, je souris et eus un petit rire à la fois sincère et amusé. Un ami, moi qui n'en avait jamais eu....

"Moi aussi, je voudrais être ton amie... Je suis Raelyn, et toi ?"

Je commençais à reprendre de l'assurance, enfin le peu que j'en avais habituellement. Enfin de compte, je me sentais bien, assise ainsi sur la plage, dans les bras d'un garçon qui allait sans doute devenir le premier ami de toute ma vie.

J'étais là, à tendre la main à une inconnue, un grand sourire aux lèvres. A ses mots, je hochais doucement de la tête. Je comprenais mieux maintenant pourquoi elle était seule dans son coin. Elle disait ne connaitre les marchands, moi-même, je ne connaissais encore personne. Dans cette citée, j'étais encore sans amis. Je comprenais donc ce qu'elle ressentait. Quand elle se présenta, et me déclara se nommer Raelyn, un nouveau sourire étira mes lèvres. J'allais me présenter à mon tour lorsque je remarquais son teint rouge pivoine. Soudain inquiet pour ma nouvelle amie, je glissais une main sur son front sous ses mèches de cheveux, et approchais mon visage pour poser mon front sur mes doigts. Les yeux clos, je restais ainsi un bref instant avant d'ajouter:

_C'est bizarre.. Tu es toute rouge mais tu ne fais pas de fièvre, tu es sûre que tu te sens bien?

Sur ces mots, j'ouvris les yeux et me rendis alors compte d'une chose. Mon visage était bien trop proche du sien pour de nouveaux amis. Alors qu'une étrange pensée me venait à l'esprit, je reculais brusquement sur le sable derrière moi. Le visage soudainement rouge écarlate, mes mains se mirent à s'agiter en tout sens.

_Ah, c'est pas ce que tu crois! J'suis sincèrement désolé, j'voulais pas, j'croyais que t'étais pas bien vu que tu étais toute rouge et...

Je m'arrêtais soudainement, comprenant que j'avais fait une grosse erreur en croyant que c'était la fièvre qui avait donné une teinte aussi vive à son visage. Je comprenais maintenant que c'était sûrement dû à une timidité excessive. Je laissais alors mes mains retomber sur le sable avant de détourner les yeux. De mon index, je me grattais la joue.

_Euh... je dois vraiment avoir l'air idiot... N'est ce pas?

Je la regardais de nouveau, attendant une réponse. C'était presque sûr et certain qu'elle devait maintenant me prendre pour un abruti. Me redressant et m'asseyant correctement, je lui fis un autre sourire.

_Bon, oublions ça, et reprenons depuis le début! Je m'appelle Elijah! Et je suis content de t'avoir rencontré!

Lorsqu'il passa sa main sous mes boucles brunes pour venir se poser sur mon front, ma rougeur s'intensifia. Mais que faisait-il au juste ? Et pourquoi je rougissais comme ça, sans raison apparente ? Et pourquoi mon coeur battait-il si fort que j'avais l'impression qu'il allait exploser dans la seconde même ? Trop de questions auxquelles je n'avait aucune réponse. Mais c'était bien la première fois que je réagissais ainsi au moindre contact.

La fièvre... Il pensait que je faisais de la fièvre parce que j'étais rouge comme une tomate. Lorsqu'il s'écarta brusquement, je faillis tomber à la renverse, n'ayant plus son soutien physique, mais je me rattrapais rapidement, évitant la chute à un cheveu. Je le fixais, alors qu'il essayait de se justifier puis lui souris. Je devais avoir l'air d'une folle avec mes cheveux en bataille voletant autour de mon visage, mais pour la première fois de ma vie, je n'en avais que faire. Il n'avait pas l'air d'un garçon porté sur le jugement physique... Ce n'était pas pour autant que j'allais lui montrer mes cicatrices. C'était pourquoi je veillais à ce que mes cheveux la cache bien.

Je laissais échapper un petit rire avant de lui sourire à nouveau.

"Non, tu n'as pas l'air idiot, c'est... Gentil de te préoccuper."

Je n'avais guère l'habitude d'autant d'attention à mon égard, personne n'avait vraiment fait attention à moi avant ce jour, et cela me touchait. C'était cela un ami ? Quelqu'un qui s'inquiète de vous ? C'était beau, moi qui n'avait jamais connu cela, j'en étais toute retournée. Elijah... C'tait ainsi qu'il s'appelait. J'aimais beaucoup son prénom, je ne l'avais jamais entendu, mais les consonnances me plaisaient. Je lui souris de nouveau.

"Moi aussi je suis contente de t'avoir rencontré."

Un large sourire accroché aux lèvres, je croisais les bras derrière ma nuque et laissais également un rire m'échapper. Je paraissais idiot, j'en étais conscient, mais étrangement, malgré le fait que nous nous connaissions à peine, j'avais l'impression qu'elle ne me jugerait pas. Après tout, j'étais très différent des autres, jamais dans ma vie je n'avais croisé quelqu'un qui soit comme moi. J'étais ce que l'on appelait un hybride. J'étais né d'un esprit, celui du dragon Carcharoth, et d'une prêtresse de la lune. Eléa, ma mère, était décédé lors de l'accouchement, je ne l'avais donc pas connu. Mais j'avais toujours mon père, et parfois il m'arrivait de rendre visite à ceux que je considérais comme mes grands-parents, ceux que mon père considérait comme ses propres parents. Je ne pouvais donc pas dire que j'étais quelqu'un de malheureux non, mais dans mon ancien village, certains me considéraient comme une erreur de la nature. Il fut un temps où ces réflexions me faisaient souffrir. Mais désormais, j'avais repris une nouvelle vie. Et cette nouvelle vie commençait bien. Jour trois, premier amie. J'en étais fier.

Je me relevais ensuite, et m'étirais les bras.Je levais les yeux vers le ciel, une main en visière, et observais le soleil. Il commençait à faire plus ou moins chaud. Je baissais ensuite mon regard vers Raelyn. Je lui souriais.

_Et bien, maintenant qu'on est amis, ça te dirait qu'on aille se baigner ensemble?

Et sans plus attendre, je me dirigeais avec un large sourire aux lèvres vers la mer. Je me déshabillais sur la route, laissant retomber mon t-shirt par ci et repoussant mon pantalon par là. En fin j'ôtais mes chaussures et alors que j'étais en simple caleçon, je plongeais tête la première dans l'eau. Lorsque je fis surface, je fis un signe de la main en direction de Raelyn.

_Tu devrais venir, elle est bonne!

Je lui rendis son sourire si naturellement que je ne m'en rendis même pas compte. Jamais je n'avais été si à l'aise avec quelqu'un, et malgré ma timidité, je sentais mes barrières tomber au fur et à mesure que le temps défilait. Jamais je n'avais vécu de pareilles choses. C'était si grisant, l'amitié. J'étais sincèrement heureuse d'avoir rencontré quelqu'un qui semblait aussi peut scutateur que moi. Et cela m'arrangeait. Je ne lui avais de questions sur ce que j'avais vu, s'il voulait m'en parler, il le ferait. Je ne voulais pas me montrer indiscrète, je savais combien ce défaut pouvait être blessant parfois.

Puis, il proposa une baignade, et , sans attendre, courut vers la mer en se déshabillant et y plongea. Je baissais le regard dès lors qu'il commença à enlever son premier vêtement. Je n'étais guère habituée à la nudité, certes elle me dérangeait peu, mais venant de lui... Je ne savais pas, je trouvais cela étrange, et je ne voulais pas... Bref, je n'allais pas partir dans des dérives d'esprit assez spéciales. Je le regarda nager, cependant. Je ne suis vraiment que faire lorsqu'il me proposa de le rejoindre. Je n'avais rien pour me baigner, pas le moindre vêtement de bain... Et si je faisais comme lui ? Pourquoi pas, après tout ! Autant que je profite du soleil et de la chaleur qui commençait à venir. Je me levais et lui adressais un signe de la main.

"J'arrive !"

Je me dévêtis à mon tour, ne gardant que mes sous-vêtements, et me dirigeais vers l'eau calmement, profitant du moment. L'eau était fraîche, sans être froide. J'y entrais avec précaution, rabattant mes cheveux vers l'arrière. C'est alors que je me stoppais net. MEs cicatrices ! Je rabattais mes cheveux aussi vite que je les avais relevé... Mais il les avait sans doute déjà vu. Je ne voulais pas qu'il me rejette à cause de ça, tant de gens m'avaient tellement fait de mal à cause de ces stupides balâfres. Mais, je ne pensais pas. Avec anxiété, je continuais d'entrer dans l'eau, doucement, me mordillant doucement la lèvre.

Je nageais sur le dos lorsque je la vis me faire un signe de main. Immédiatement, sans qu'elle ne dise quoi que se soit, je sus qu'elle avait accepté de venir se baigner avec moi. Je fis alors un large sourire en la voyant se diriger vers l'eau puis, au fur et à mesure qu'elle approchait, je pouvais distinguer des marques sur presque tout son corps. Une fois plus proche de moi, je compris de quoi il s'agissait. Des cicatrices. Elle en avait partout, sur les jambes, le bras droit et tandis qu'elle relevait ses cheveux, je pu en apercevoir également sur son visage. Ça ne me dérangeait non, loin de là, mais je me disais que quelque part, elle avait dû être comme moi. Rejeté par les autres. Elle avait dû se rendre compte qu'elle venait de me les montrer, car bientôt je la vis s'arrêter puis continuer à venir vers moi mais bien plus lentement et la tête basse.

Un sourire un peu moins grand aux lèvres, je m'approchais d'elle lentement et alors qu'elle était encore proche du bord de l'eau, je venais glisser ma main dans la sienne. Je la regardais alors, cherchant à plonger mon regard dans le sien par ailleurs caché par ses cheveux, et lui fit un sourire rassurant.

_Pourquoi est ce que tu as ralenti? Tu sais, entrer en courant dans l'eau, c'est bien plus amusant et ça arrose partout!

Je savais pertinemment que l'ignorance était la meilleure des choses dans ce genre de cas. Moi-même, lorsque des idées noires m'avaient traversé l'esprit et que seul je pleurais dans un coin, j'avais détesté que l'on vienne me voir pour me demander ce qui s'était déroulé. Cela avait tendance à me rappeler ce qui bien souvent c'était passé et au final, je n'en souffrais que plus encore. Je lui fis alors un sourire complice. Glissant mes doigts entre les siens, je la tirais un peu plus loin dans l'eau pour ensuite la lâcher.

_C'est la première fois que je vois la mer! Et franchement, je trouve ça trop cool! L'eau est pas super chaude, mais c'est encore mieux que ce à quoi je m'attendais!

Je croisais alors mes bras derrière ma nuque et me laissais chuter sur le dos. Tout en faisant la planche, je me mis à battre des pieds. Bientôt, je nageais, toujours sur le dos, autour de Raelyn.

_Et ça fait longtemps que tu es ici dis moi?

Il les avait ignoré ! Pourtant, elles étaient assez visibles pour qu'il les voit, mais il ne posa aucune question. Je retins un soupir. Il me comprenait, c'était la seule chose que je pouvais me dire à cet instant. Avec ses métamorphoses, il devait avoir été brimé lui aussi. Même si nous n'avions pas du tout eu la même vie, lui et moi, je me sentais bien plus proche de lui que les autres personnes que j'avais cotoyé jusque là. Et cela me faisait le plus grand bien. Je resserrais mes doigts autour des siens et relevais le visage, sans chercher à me cacher cette fois-ci, avant de lui adresser un sourire.

"Ne t'en fais pas, c'est rien... C'est la première fois que je me baigne en public, il faut que je m'habitue."

Même si j'essayais de réfréner ma timidité, elle était belle et bien présente. Et me baigner en public était pour moi une expérience que je n'avais jamais vécu. Mais comme disait si bien ma grand-mère avant que je ne parte, il faut toujours une première fois à tout. Je me laissais entraîner dans l'eau avant qu'il ne me lâche. Je lui souris de nouveau. Moi-même, j'avais vu la mer pour la première fois lorsque j'étais arrivée à Elsweyr. Et cette immensité m'avait tout simplement fasciné. Je comprenais ce qu'il ressentait. Mais c'était ce jour la première fois où je me baignais dans cet infini bleu. Et c'était magique.

Il se mit à nager autour de moi, faisant la planche. Je me laissais glisser dans l'eau jusqu'au cou et sourit.

"Je suis arrivée il y a un mois, environ. Et toi ?"

Il s'en était passé des choses, en un mois. J'étais passée d'une pauvre mendiante dormant dans la rue à une jeune femme aidant les marchands qui avaient de nombreuses courses à faire et ne pouvait laisser leur étalage. MAis cela me permettait de vivre. Peut-être qu'un jour, j'aurai aussi ma maison à moi, je ne le savais guère. Mais j'avais un toit sur la tête, et maintenant, un ami. Un ami, dont j'étais de plus en plus persuadée que je pouvais lui faire confiance. C'était la première fois que je rencontrais quelqu'un d'aussi gentil, et rien que pour cela, je l'en remerciais intérieurement.

Je souriais. A cet instant, j'étais heureux. Je recommençais une nouvelle vie qui, je l'espérais, serait meilleure que l'ancienne, j'avais découvert la mer, le soleil était là, et aussi et surtout, surtout, j'avais une amie. A peine étais-je arrivé, que je m'étais déjà fait une amie. Et pas n'importe laquelle. Au fond de moi, je pressentais que, même si nous n'avions pas vécu les choses de la même façon, nous étions pareils. Nous avions souffert tous les deux à cause des autres. Je m'arrêtais un instant, et glissais à nouveau mes jambes sous la surface de l'eau. Debout, je me retournais vers Raelyn en souriant.

_Ça fait à peine trois jours, mais c'est la première fois que je sors faire un tour pour explorer les environs. Avec mon père, on a cherché une maison et on a acheté des meubles. Il a fallut qu'on aménage toutes les pièces.

Je levais de nouveau les yeux vers le ciel.Nous étions encore dans la matinée, mais le soleil commençait à taper assez fortement. Je souriais. Dans mon ancien village, jamais le soleil n'avait été aussi brûlant.

_Je suis super content d'être là! Je sens que les prochains jours vont être... inoubliables!

Je m'enfonçais ensuite sous l'eau, puis faisais surface un peu plus loin. Après quelques brasses, je me retournais vers Raelyn. Et alors que de là où je me trouvais le soleil brillait juste derrière elle, lui donnant ainsi un certain magnétisme, j'avais l'impression de la découvrir pour la première fois. Elle était petite, et me paraissait plutôt frêle et fragile, bref, quelqu'un qui avait besoin qu'on le protège. Ses cheveux brun qui retombaient en cascade sur ses épaules s'harmonisaient parfaitement bien avec la couleur de ses yeux. Quant à ses derniers, ils étaient d'une beauté à couper le souffle. J'étais tellement abasourdi par tout cela que j'en restais bouche-bée. Vraiment, j'avais vraiment la bouche grande ouverte et le regard fixe. J'avais une tête d'idiot à cet instant, c'était sûr. Aussi, reprenant mes esprits, je secouais discrètement la tête en me frappant le front de ma paume de main.

_Ah, excuse-moi, j'étais dans mes pensées... Et sinon, dis moi, tu as eu le temps de visiter un peu?

Trois jours... Il connaissait sans doute encore moins de personnes que moi, ici. Il faudrait que je lui fasse visiter les environs, cela serait un début... Apparemment, il ne vivait pas seul. Cela ne m'étonnait pas plus que cela. En général, des personnes de nos âges vivaient avec leurs parents. Instinctivement, je me demandais si ma mère allait bien, avant de secouer la tête, et d'oublier cette question. Je ne pensais pas qu'on puisse appeler une femme qui vous a vendu une mère. Je ressentais plus de tristesse que de rancœur à son égard. Elle m'avait fait du mal, elle l'avais même voulu ce mal là, alors il ne fallait plus que j'en préoccupe. Ma vie avait bien changé depuis mes onze ans.

Les prochains jours allaient être inoubliables, selon ses mots. Secrètement et inconsciemment, j'espérais qu'on passerait du temps ensemble. Il me plaisait beaucoup... Amicalement hein, je ne... Je rougis, tout aussi inconsciemment en le regardant et détournais légèrement le regard. Pourquoi ? Je l'ignorais complètement. Mais c'était très, voire trop perturbant. Et le fait qu'il me fixait également. Pourquoi me regardait-il ainsi ? Pourquoi m'observait-il avec un air béat ? Je me sentais tout chose. Ne sachant comment réagir, je ne dis rien, le laissant faire, essayant de trouver les mots pour le sortir de cette sorte de torpeur dans laquelle il venait d'entrer. Mais il s'en dagagea seul. J'étais certes libérée de son regard, mais ce moment avait été, en quelque sorte magique. Pour la première fois, on ne me regardait pas comme une tare, bafouée par la nature et rejetée par le genre humain. Je ne saurais traduire ce que je pus voir dans ses yeux, mis à part le reflet du soleil, mais j'avais cette impression que pour une fois, on me regardait vraiment comme un être humain à part entière... Une fille entrant dans l'âge adulte.

Je pris une goulée d'air, essayant de calmer les battements de mon cœur, puis je lui souris.

"Oui, j'ai eu pas mal de temps pour ça. C'est une citée pleine de recoin mystérieux... Je te ferai visiter, si tu veux."

Tout en rougissant, je repris sa main et glissais mes doigts entre les siens. J'aimais son contact, il me rassurait en quelque sorte, il me faisait du bien. C'était la première fois que je sentais un tel appaisement se faire en mon être.

Je tentais vainement de reprendre mes esprits et d'oublier ce que je venais de voir tandis que Raelyn répondait à la question que je lui avais posé un peu plus tôt. Alors que je laissais ma main glisser le long de mon visage, je sentis que des doigts qui ne m'étaient pas inconnus venaient se mêler aux miens. Et lorsque j'ouvris les yeux, j'avais déjà compris qu'il s'agissait de ceux de Raelyn. Baissant les yeux sur nos doigts entremêlés, je restais silencieux. A dire vrai, c'était le cas quand mon visage prenait une teinte aussi vive. J'étais rouge écarlate, je le savais. Les lèvres légèrement entrouverte, j'aspirais de l'air en grande quantité. Je relevais alors les yeux, les posant sur elle, et souriais, plutôt gêné. Jamais auparavant je n'avais fait ce genre de chose avec une fille, à part dans le but de la consoler. Et pour le peu que j'en savais, se donner la main était quelque chose réservé aux couples.

_Euh... ouais, ça serait sympa...

A cet instant, toujours aussi rouge, je détournais les yeux et me grattais la joue de ma main libre. Nous ne pouvions pas rester dans cette situation, c'était trop gênant, du moins ça l'était pour moi. Lui tenir la main ne me dérangeait pas, au contraire, le contact de sa peau était un vrai délice, mais c'était la signification éventuelle de ce phénomène qui faisait que je me sentais aussi mal à l'aise. Et puis son silence, ses regards, tout cela ne faisaient que me troubler un peu plus. Et comment je l'avais aperçu un peu plus tôt, le soleil derrière elle et lui offrant ainsi un certain charme... Un frisson me parcourut l'échine. Sans m'en rendre compte, je m'étais mis à mordiller ma lèvre inférieur. Il fallait que je me sorte de cette situation. A tout prix.

_Et euh, tu as quelque chose de prévue dans la journée?

Je baissais les yeux sur l'eau, me massant la nuque.

_En fait, je me demandais si... Enfin, on aurait peut être pu passer la journée ensemble toi et moi... Mais, si tu veux pas, hein, j't'oblige pas!

Je le vis rougir également. Il semblait mal à l'aise. Je ne savais pas vraiment pourquoi mais... Ma main ! Je la retirais brusquement de la sienne, et la passait dans mes cheveux. Avant ce jour, jamais je n'avais donné la main à quelqu'un. mais avec lui, cela me semblait tellement naturel. Mais, peut-être que cela avait une autre signification pour lui. Je rougis brutalement et baissais la tête. Non ! Il ne fallait pas que le malaise revienne ! Mais c'étatit trop tard. Sa gêne avait empiété sur ma personnalité à la timidité maladive, et je ne savais pas vraiment quoi faire pour m'en sortir. Je soupirais. Comment devais-je réagir ? Je l'avais vis dans l'embarras, et je ne savais comment m'y prendre à présent. Quelle cruche !

Je relevais de nouveau la tête lorsqu'il me demanda si j'avais quelque chose de prévu, et me proposa par la suite de passer la journée avec lui. Ecarlate, je lui souris. Il y avait quelque chose chez lui qui m'attirait irrésistiblement, je ne savais quoi, mais il fallait que je me retienne, que je prenne du recul. Il était mon nouvel ami, c'était certainement pour cela qu'il me faisait un effet certain.

"Non, je n'ai rien de prévu et oui, j'aimerai bien passer la journée avec toi !"

J'étais tout ce qu'il y avait de plus sincère. Je me sentais bien en sa compagnie, c'était la première fois que je ne me sentais pas être une gêne pour quelqu'un. Je passais de nouveau une main dans les cheveux. L'eau salée commençait à me tirer le visage en séchant, surtout au niveau de la cicatrice. Je pris ma respiration et plongeait sous l'eau quelque seconde, afin de ne pas être embêter par des picotements. Puis je remontais, rabattant mes cheveux vers l'arrière, et sourit de nouveau à Elijah.

"Tu veux faire quelque chose en particulier ?"

Je relevais subitement les yeux lorsqu'elle me répondit qu'elle acceptait de passer la journée avec moi. J'étais sincèrement heureux de sa réponse, et elle dut s'en rendre compte au large sourire qui éclaira mon visage. En tout cas, j'allais le lui dire lorsque je la vis plonger sous l'eau. Au début, je n'avais pas compris pourquoi puis en la voyant faire surface, je su que le destin m'avait accordé une faveur. Alors qu'elle rejetait ses cheveux en arrière, j'eus l'impression d'avoir face à moi une apparition. Une déesse était né, plus belle encore que celles qui habitaient le panthéon. Elle avait beau avoir une cicatrice au niveau du visage, Raelyn restait une fille et qui ne me laissait vraiment pas indifférent. Je déglutissais au moment même où elle entrouvrit les lèvres. Les yeux posés sur ces dernières, j'inspirais une grande bouffée d'air. Je relevais alors les yeux et lui souriais bêtement.

_Tout c'que tu veux!

Je me rendais alors compte que ce que je venais de dire pouvait paraître gênant. Je clignais alors des yeux puis secouais la tête tout en agitant les bras en tout sens.

_Enfin, j'veux dire par là, enfin, c'est toi qui connais la citée, pas moi, alors je préfère te laisser choisir!

Je stoppais net tout mouvement en me rendant compte que je devais avoir l'air d'un idiot. Laissant mes bras retomber le long de mon corps, je soupirais alors puis me laissais glisser en arrière. Je fis la planche.

_Enfin, pour l'instant, profitons encore un peu de la mer..

Il s'embrouillait. Je souris. C'était mignon ! Je ne savais pas pourquoi il réagissait ainsi. Etais-je sa première amie, moi aussi ? L'ennui, c'est que je ne savais comment effacer cet embarras qu'il avait. Et d'ailleurs, pourquoi semblait-il si gêné ? Avais-je encore fait quelque chose de mal ? Avais-je, malgré moi, engendré chez lui quelque chose qui mettait en péril notre amitié ? Je sentais une certaine angoisse poindre au creux de mon estomac. J'espérais que ce n'étais pas cela, je ne voulais pas perdre le seul ami que j'avais et, par ailleurs, que je venais tout juste de trouver. Il en était hors de question.

Je haussais les épaules. Il fallait que je paraisse naturelle, sinon, il se douterait que je n'étais pas à l'aise, que quelque chose me tracassait au plus profond de mon être. Je lui souris, aussi sincèrement que possible.

"La plage est l'endroit que je préfère ici... C'est si beau, si calme. Il n'y a rien de tel pour apaiser un esprit tourmenté par le passé."

Cette phrase était sortie toute seule. Je rougis violemment. Moi qui m'étais jurée de ne parler de mon passé à personne, c'était raté ! Il fallait que je trouve quelque chose et vite ! Je gloussais légèrement, pas comme le font ces filles de la ville, forçant le rire au point d'en avoir ml à la gorge. C'était très naturel, léger.

"Mais je te montrerais quelques coins de la ville qui sont sympas à voir tu verras."

Je me mis à faire quelques brasses. J'aimais la sensation de l'eau glissant sur mon corps, sans le compresser, glissant tout simplement. C'était si agréable ! Puis, je me tournais de nouveau vers Elijah.

"Alors, comme ça, tu es venu avec ton père ?"

Allongé sur le dos et ballotté par les vagues, je fermais les yeux tout en essayant de m'imaginer seul à observer la mer. Je m'imaginais assis sur la sable chaud, à regarder les étoiles et la lune. Les yeux clos, je souriais. Il était vrai qu'une fois la nuit tombé, l'endroit devait être magnifique. En entendant Raelyn, j’acquiesçais simplement, ne faisant purement et simplement pas attention à la signification que pouvait avoir ses mots. J'avais hâte de découvrir chacun des recoins de la citée. Du regard, je suivais Raelyn. Lorsqu'elle s'arrêta et se tourna de nouveau vers moi, je me redressais et m'enfonçais sous l'eau jusqu'à ce que celle-ci m'arrive juste en dessous du menton.

_Ouais! On est les seuls survivants de notre ancien village qui a été pillé... Du coup, on a fait le chemin jusqu'ici.

Je souriais puis repensais alors à l'instant où mon père et moi avions découvert le village. Il ne restait plus rien, que des cendres, et des cadavres. A ce moment là, nous étions anéantis. Toute une vie détruite, réduite à néant. Puis nous nous étions décidés à partir, et au fur et à mesure, nous avions décidés de prendre les choses du bon côté. Nous étions en vie, et même si l'attaque avait provoqué un grand nombres de morts, nous avions la chance de pouvoir prendre un nouveau départ. Je baissais les yeux sur la mer. Sincèrement, je n'étais pas mécontent d'être là.

_Et toi alors? T'es toute seule?

Je me retournais vers Raelyn. Je ne me l'imaginais pas seule, à devoir se débrouiller de son mieux pour vivre. Je la trouvais tellement sensible et fragile, que je ne pouvais me mettre cette idée en tête. Il devait forcement y avoir quelqu'un pour veiller sur elle. Et si ce n'était pas le cas, alors je me promis de devenir cette personne.

A cette pensée, je me mis à rougir. C'était la première fois que je ressentais ce genre de choses envers une fois. Le besoin et l'envie de la protéger coûte que coûte.

Je regardais Elijah nager puis s'enfoncer dans l'eau et souris. Il semblait si naturel, si heureux. D'où le fait que sa présence me soit agréable, bien qu'elle soit également très troublante. Je ne savais d'où cela venait, certainement parce que je ne m'étais jamais retrouvée seule avec un garçon aussi gentil que lui... Mais je savais, en mon fort intérieur qu'il y avait plus. Mais quoi, je l'ignorais totalement. Et sincèrement, je ne cherchais pas plus loin.

Lorsqu'il me parla des raisons qui avaient poussées son père et lui-même a venir s'installer à Elsweyr, je ne pus m'empêcher de baisser le regard quelques secondes. Ce devait être horrible de perdre ainsi, en un instant, toutes les personnes auxquelles on était attaché... Tout cela à cause de pillards qui ne vivaient que pour voler et tuer. Je trouvais cela injuste. Il devait avoir des amis, là-bas, de la famille aussi, certainement. Non... Gentil comme il l'était, il ne méritait pas cela. Je tournais mon regard vers lui et lui souris, avec tristesse. C'était une sensation qui m'était familière, je me doutais un peu de ce qu'il pouvait ressentir en ce moment, même s'il semblait bien.

"Je suis désolée..."

Ce fut tout ce que je pus lui dire. Je ne voulais pas m'élargir sur le sujet, de peur de raviver en lui certaines souffrances. Et je le respectais déjà trop pour lui faire du mal. Lorsqu'il me demanda si j'étais seule, je ne pus m'empêcher de rougir légèrement.

"Oui, je vis seule... Enfin seule, non, j'habite à l'auberge, où je loue une chambre à la semaine."

Je souris de nouveau. Cette vie me changeait considérablement de celle que j'avais avant. Plus calme, plus... prévisible, même si cela n'était pas tellement vrai tant les rencontre que je faisais étaient belles et complètement imprévues. Mais c'était ce qui faisaient leur charme. Si je n'étais pas venue ici, jamais je n'aurais rencontré Elijah, et jamais je n'aurais eu ce sourire qui s'affichait sur mon visage.

A ses paroles, je laissais un léger sourire en coin étirer mes lèvres. Il était vrai que de nombreuses vies nous avaient quittés ce jour-là, mais mon père et moi étions encore en vie. Et c'était cela le principal. Et puis, au final, nous n'étions pas mécontent de pouvoir recommencer à zéro. Je haussais les épaules. Je sentais à son intonation qu'elle était sincèrement désolé, et cela me toucha. Lorsque de nouveau elle prit la parole, ce fut pour me dire qu'elle louait une chambre à l'auberge, me révélant au passage qu'elle était bel et bien seule. Je me redressais alors subitement, bien plus rapidement que je ne m'aurais cru capable de le faire, et me tournais vers elle.

Quoi?! T'es toute seule? Mais t'as pas peur? J'veux dire, n'importe qui peut y entrer dans cette auberge non?

Intrigué, je levais brièvement les yeux au ciel. Rien que de penser au fait qu'une fois la nuit tombée elle se retrouvait seule et sans personne, je sentais un noeud se former au creux de mon estomac. Une idée me vint alors. J'abaissais le regard vers elle, et un grand sourire aux lèvres, je m'approchais d'elle. Lui prenant les mains entre les miennes, je l’entraînais avec moi un peu plus loin dans l'eau.

Je sais! Pourquoi est ce que tu viendrais pas vivre à la maison? J'suis sûr que mon père serait totalement d'accord!

Glissant mes mains jusqu'à ses hanches, je l'attrapais et la soulevais, la faisant tournoyer.

Ça serait trop cool!

Je sursautais lorsqu'il se releva si brusquement. Qu'avais-je donc dit pour qu'il soit si choqué ? Je le regardais fixement, avant de soupirer, soulagée. Je pensais que j'avais fait quelque chose de mal, mais c'était juste parce que j'habitais seule ! En quoi était-ce si dérangeant ? J'avais l'habitude de la solitude, et une auberge, c'était bien mieux qu'un tronc creux au fond d'une forêt où nous guette tant de bêtes à la fois féroces et affamées. Rien que d'y penser, j'en avais froid dans le dos. Et encore, j'essayais de ne pas trop penser aux bandits... Je lui souris, me voulant rassurante.

"Moi ? Peur ? Dans une auberge ? Non, voyons, c'est assez grand, et puis, je m'enferme dans ma chambre, c'est pas comme si quelqu'un pouvait rentrer, tu sais. Je me sens en sécurité, là-bas."

Je le vis, un air contrarié passant sur son visage, furtivement. Soudain, il changea du tout au tout. Un sourire illumina son visage et il me fixa... Me proposant de vivre avec lui chez son père ?! Pardon ?... J'avais du mal entendre, non ? Apparement, j'avais très bien ouïe sa proposition. Avant même que je ne puisse répondre, il me prit dans ses bras et me souleva, comme si j'étais une plume, me faisant tournoyer. Je rougis brusquement... Jamais personne n'avait osé me toucher d'une telle manière, et même si j'adorais cela, cela me perturbait. Je lui souris, malgré mon visage pivoine.

"Mais, je ne veux pas vous embêter moi ! Je ... Je ne veux pas m'imposer... Tu comprends ?... Je..."

Je ne savais que dire. Bien entendu, cela m'avait fait plaisir, il se préoccupait de moi... Et c'était bien la première fois que quelqu'un le faisait. Mais... Je ne voulais vraiment pas les déranger, m'insinuer dans leur intimité comme un cheveu sur la soupe... Ce n'était pas mon genre... Mais cela me changerait tout de même de la taverne, des chansons d'hommes ivres que je pouvais entendre chaque soir alors que je brodais ou essayais de dormir. Et puis, que dirait son père ? Si lui me jugeait, par apport à mes cicatrices, et qu'il faisait comme la plupart des gens, me rejetter ? Je ne voulais pas y penser, cela était bien trop douloureux.

Après lui avoir fait faire quelques tours, je la reposais dans l'eau, et glissais mes mains jusqu'à les siennes. Je tenais ses doigts entre les miens, et tandis que je m'approchais, je posais mon index sur ses lèvres. Je secouais la tête, un sourire immense venant illuminer mon visage. Je reculais de quelques pas, l'attirant vers moi, et m'arrêtais aussitôt.

Tu ne t'imposeras pas, c'est moi qui te le propose! Et je suis certains que mon père n'y verra pas d'inconvénient. Tu sais mon père, il ne te jugera jamais. Il n'est pas du tout de ce genre là.

Je soulevais l'une de ses mains, la glissant hors de l'eau, et la menait presque à mes lèvres.

Accepte ma proposition, et je te promets que tout ira bien, qu'à partir de maintenant, plus jamais tu ne seras triste...

Mon regard plongea dans le sien, à peine quelques secondes qui me parurent aussi longues que l'éternité. Ses yeux m’envoûtaient, me clouaient sur place. Je sentis naître une vague de frissons dans mon dos. Je me savais incapable de décrypter ce que je ressentais à cet instant, mais ce que je savais également, c'était que c'était quelque chose de très puissant, au point de m'en couper le souffle et faire battre mon coeur avec force et irrégularité. Je déglutissais et me retournais soudainement vers le soleil.

Nous devrions peut être aller visiter un autre endroit...? Tu n'es pas obligé de me donner une réponse tout de suite si tu veux...

J'étais rouge comme une pivoine... Pourquoi ? Je l'ignorais encore et toujours. Mais, ces gestes qu'il avait envers moi, ses doigts s'entremêlant aux miens, son index caressant mes lèvres, son corps contre le mien... Tout cela ne devait pas être étranger à mes nouvelles sensations. Jamais un homme n'avait été si doux, si tactile avec moi. Et le pire dans tout ça, c'était que je ne savais même pas comment réagir à toutes ses caresses. Etait-ce cela l'amitié ? Peut-être que oui, après tout, je n'avais jamais réellement eu d'amis en ce bas monde, c'était probablement la raison de mon malaise.

Je glissais une main vers la cicatrice que j'avais au visage, la plus voyante. Son père ne me jugerait pas, il venait de me le dire, et malgré le fait que je ne le connaissais que depuis peu, je le croyais, je lui faisais confiance. Pourquoi tenait-il tant à m'aider ? J'avais toujours su me débrouiller seule, je n'avais guère eu le choix en même temps. Mais que quelqu'un m'aide, je n'en avais guère l'habitude, et je m'en sentais énormément touchée. Je lui souris, la larme à l'oeil, émue par sa délicatesse.

"Je... D'accord... Mais promets-moi que si je dérange en quoi que ce soit, tu me le diras, et je partirai, d'accord ?"

Je ne voulais être un fardeau pour personne, surtout pas pour lui. Alors, je tenais à le mettre au courant que je ne voulais pas lui apporter le moindre souci. Ma main se ressera sur la sienne et je souris sincèrement... Chose que je n'avais pas faite depuis des années maintenant.

"Merci."

Nos regards s'accrochèrent quelques secondes. j'en eus le souffle coupé, le coeur battant la chamade. Je me noyais dans ses yeux aussi facilement que je me noierais dans une eau profonde et tumultueuse. Ce que je ressentais était si nouveau pour moi... Je ne savais plus que faire. Cet instant dura à peine quelques secondes, mais j'aurais aimé qu'il dure plus longtemps. Puis, il se détourna, et moi-même je détournais mon regard, rougissant de plus en plus.

"Je... Si si... Mais il faudrait que j'aille chercher mes affaires à l'auberge."

Je n'osais plus le regarder... Mais qu'était-ce donc cette chose qui faisait s'emballer mon coeur à chaque fois qu'il me touchait ou me fixait ?

Je tenais toujours l'une de ses mains entre les miennes et j'avais l'impression que c'était ce simple contact qui me mettait autant mal à l'aise. Je sentais quelques frissons me parcourir le dos. Les yeux fixés sur le soleil, je tressaillais et écarquillais les yeux en l'entendant. Idiot, j'étais vraiment idiot. Me retournant vers elle, et glissant une main derrière la nuque, je laissais un rire désabusé m'échapper.

Ah, ben oui, bien sûr, passer à l'auberge! Je suis vraiment idiot!

Poussant un soupir, je resserrais mes doigts autour des siens. Je lui souriais et lui faisais même un clin d'oeil. Je voulais pouvoir la rendre heureuse, la voir sourire était tellement mieux que le visage qu'elle m'avait montré lorsqu'elle s'était rendu compte que j'avais aperçu ses cicatrices. Et puis, j'étais sûr que mon père serait d'accord avec la proposition que je venais de lui faire.

T'en fais pas, tu ne dérangeras jamais!

Attirant Raelyn vers moi, je l'emmenais en direction de la plage. Les pieds sur le sable chaud, je lâchais sa main et me secouais dans tous les sens pour évacuer l'eau qui avait imprégné mon caleçon. J'enfilais ensuite mes vêtements et me retournais vers elle.

Ça te dirait un tour à dos de dragon?